Vrai-faux : C’est en France qu’on travaille le moins ?

1. La France pays des 35 heures, vraiment ?

Avec la réforme du Code du travail, le débat sur la semaine de 35 heures a ressurgi. Pourtant, on peut légitiment se demander qui, aujourd’hui, travaille 35 heures en France ? En 2013, la Dares publiait étude selon laquelle la durée moyenne passée au travail est de 39,5 heures hebdomadaire, plaçant la France 21^ème en Europe, loin des Britanniques (numéro 1) qui passent 42,2 heures par semaine au bureau.

Autre étude, autres chiffres. Selon Eurostat, les Français à temps plein travaillent 40,7 heures par semaine, soit moins que la moyenne européenne (41,5 heures). Pour Eurostat, les Britanniques travailleraient ainsi 42,8 heures, les Allemands et les Espagnols 41,7 heures et les Danois 38,8 heures. Ces chiffres différent d’un institut à l’autre mais prouvent que la semaine de 35 heures n’est pas l’apanage de tous les Français. Ils seraient d’ailleurs encore à comparer à la catégorie professionnelle des salariés. Ainsi, selon la Dares, les cadres déclarent en moyenne des durées plus longues au travail que les autres catégories de salariés : ils estiment travailler 8,8 heures par jour, ou encore 44,1 heures par semaine.

2. Durée du travail, de quoi parle-ton ?

Lorsqu’on parle de la durée du travail, plusieurs données peuvent-être utilisées. La durée hebdomadaire mais aussi la durée annuelle. La première déjà détaillée montre que les Français travaillent davantage que 35 heures par semaine. La deuxième, encore plus instructive, permet de comprendre la réalité du marché du travail dans les différents pays où ce chiffre est connu.

Une étude du cabinet Coe-Rexecode publiée en 2014 explique que la « durée effective du travail en France est une des plus faibles d’Europe ». « En France, la durée effective de travail des salariés à temps complet était de 1 679 heures en France en 2013, soit 186 heures de moins que l’Allemagne, 120 heures de moins que l’Italie et 239 heures de moins que le Royaume-Uni », poursuit l’étude. Des données encore une fois à relativiser. La méthodologie de Coe-Rexecode a déjà été critiquée. Premier écueil, le cabinet ne compare que les travailleurs à temps plein. Hors la structure du marché du travail est bien différente d’un pays européen à l’autre. En France, le nombre de travailleurs à temps partiel est faible, bien plus faible que parmi nos voisins. Et quand on compare le temps passé au bureau des travailleurs partiels, il s’avère plus élevé en France qu’à l’étranger. D’autre part, les chiffres de Coe-Rexecode oublient de prendre en compte de manière précise les congés payés ou encore les arrêts pour maladie dans chaque pays, limitant un peu plus la cohérence de telles comparaisons. D’ailleurs, quand l’OCDE prend en compte les travailleurs à temps plein mais également à temps partiel ainsi que les heures supplémentaires réalisées, la durée travaillée par actif est de 1478 heures en France, suivis des Allemands (1387 h), des Pays-Bas (1380 h) et des Norvégiens (1407 h).

3. Champions du monde des vacances ?

5 semaines de congés annuels payés auxquels s’ajoutent 11 jours fériés et voici le temps de repos annuel des salariés français. Pourtant d’autres pays font encore mieux. Selon une étude réalisée par le cabinet Mercer, à Malte et en Autriche les employés bénéficient de 38 jours de repos (14 jours fériés et 24 congés payés pour les Maltais par exemple). La Bolivie, la Grèce et la Pologne suivent avec 27 jours de repos. La France n’atteint que la 8^ème marche encore dépassée par la Pologne, l’Espagne et le Venezuela. A l’autre bout, l’on trouve le Canada avec 9 jours fériés et 10 de congés payés.

Une autre étude de l’Insee publiée en 2010 détaille le nombre de jours de congés payés et de  RTT pris en 2010 par les salariés en CDI ayant au moins un an d'ancienneté. Résultat : la moyenne nationale s'établit à 37 jours par an, soit 6,2 semaines. Mais en fonction de l’âge et du statut les écarts sont importants. Déjà, les moins de 29 ans prennent en moyenne 33 jours de repos contre 39 pour les 50 ans et plus. Un écart qui s’explique par des jours gagnés avec l’ancienneté. Les cadres de la fonction publique bénéficient eux de 44 jours de congés, 41 pour l’ensemble des cadres contre 35 jours en moyenne pour les employés. Dans cette catégorie socio-professionnelle (CSP), ce sont les ouvriers non qualifiés de type artisanal ou agricole qui ont le moins de jours : 28 seulement. De même, les agents de la fonction publique et les salariés des groupes de plus de 1000 salariés obtiennent entre 40 et 45 jours de vacances quand que les salariés des petites entreprises doivent se contenter d’entre 29 et 38 jours de congés.

4. Des Français plus productifs que la moyenne

La productivité française est souvent mise en avant pour répondre aux accusations de fainéantise supposée des Français. « Ok l’on travaille moins d’heures que pour vous par semaine mais c’est parce que nous pouvons nous le permettre : nous produisons autant que vous en moins de temps ». Et c’est vrai : la productivité française est l’une des plus élevée au monde. Le journal anglais The Economist a même écrit : «Les Français pourraient être en congés le vendredi, ils produiraient encore davantage que les Britanniques en une semaine». Par productivité, il faut entendre «le rapport, en volume, entre une production et les ressources mises en œuvre pour l'obtenir», selon la définition de l’Insee. Plus en détails, en prenant le produit national brut divisé par le nombre de personnes employées, la France a un taux de 125,5 contre 106,3 pour l’Allemagne ou 109,6 pour le Royaume-Uni. Depuis la fin du 19^ème siècle, la productivité française a été multipliée par 20, permettant un recul de moitié des heures travaillées…

Si la productivité est un gage de croissance économique, la question se pose également de savoir jusqu’où la pousser. «En France, les entreprises fonctionnent avec une faible quantité de salariés et le marché du travail exclut les personnes peu qualifiées», nous expliquait déjà Jean-François Ouvrard, directeur des études Coe-Rexecode. «Mécaniquement ceux qui travaillent assument une charge de travail importante, ce qui fait d'ailleurs des Français l’une des populations les plus stressées au monde», ajoutait Guillaume Duval, rédacteur en chef du magazine Alternatives économiques. Un schéma à rebours de certains de nos voisins qui pour doper l’emploi ont fait le choix des contrats à temps partiel afin d’inclure le plus grand nombre, au détriment des salaires qui augmentent moins vite…

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